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Le monde merveilleux de l'éducation nationale




Hier soir, j'ai fait ma fofolle et je suis sortie. ̶U̶n̶ ̶p̶e̶u̶ ̶i̶v̶r̶e̶ complètement torchée, je décide de rentrer avec les derniers métros.


En attendant sur le quai à Porte d'Orléans, je vois 4 jeunes hommes qui foncent sur moi. N'ayant pas mes lunettes (et vu mon état ̶d̶'̶é̶b̶r̶i̶é̶t̶é̶ de fatigue avancée), il a fallu qu'ils arrivent à 1 mètre de moi pour que je les reconnaisse : il s'agissait de braves p'tits terminales dans le lycée où je bosse comme surveillante. (Est-ce que c'est la peine de préciser qu'ils étaient eux aussi ̶u̶n̶ ̶p̶e̶u̶ ̶i̶v̶r̶e̶s̶ complètement torchés ou c'est bon ?) Après des câlins et des rires de soulards, ils me font un blind test genre "aaazzyyyy azzzyyyy comment on s'appelle tu sais comment on s'appelle ou tu sais pas comment on s'appelle ?"




Je me prête au jeu.



- A ma gauche : Louis, TL1. Le gamin à la coupe de cheveux improbable (rasé sur les côtés et touffu-bouclé sur le dessus), qui sèche assidument la philo. Un peu colérique sur les bords mais néanmoins sympathique (quand il n'invente pas des histoires à dormir debout pour qu'on lui fasse un mot de retard ALORS QU'ON NE FAIT PAS DE MOT DE RETARD BON SANG #oulaaajemecalme)


- Puis vient, Joshua, TS1. Cheveux long, super souriant, loquace. Un peu trop sur ce coup là. Il a complètement balancé ses potos l'gamin : "Zacharie et Mehdi ils te trouvent trop belle, c'est pour ça que blablablabla". Il s'est lancé dans 5 laborieuses minutes d'explication (il arrive jamais ce métro ?) pour finalement justifier le "Boooooooooojour Maaaadaaaaame" chorale quand je vais faire l'appel dans leur classe.


- Cédric, TL1. Cédric... Comment dire... Coupe de cheveux normal pour le coup mais petits yeux en mode coucoujefume10jointsparjour. C'est le retardataire chronique. A tel point qu'on l'ovationne, à l'entrée du lycée, quand il rapplique avant la dernière sonnerie. On appelle tellement sa mère que c'est un peu devenue notre copine avec notre running gag matinal : "Bonjour ici la vie scolaire du lycée, cet appel pour vous signaler l'absence de Cédric ce matin à 8h30...".


- Et à ma droite... Ben... à ma droite... Le dernier. Impossible de savoir son prénom, ni sa classe... Son visage me disait vaguement quelque chose. Mais... Pas vraiment en fait. Ça m'a fait de la peine, et je m'en suis voulue de connaitre ses copains et pas lui.




Comment pourrais-je le connaître ?



Après mon auto-flagellation, j'ai réfléchi : Comment pourrais-je le connaître ? Y a 1200 élèves dans l'établissement, je suis à mi-temps, et Nathan est assidu, ponctuel, studieux, calme, timide... Il ne passe donc jamais par la vie scolaire. Le système fait qu'on donne de l'attention aux absentéistes, aux retardataires, à ceux qui se font virer, qui font des conneries, ceux qui sont "en situation d'échec", ceux qui ont des problèmes familiaux établis... Mais qu'en est-il des autres enfants ? De ceux qui ont la souffrance discrète ? Qui font semblant que tout roule ?


J'ai longtemps été dans cette tranche là. J'étais une gamine consciencieuse. J'avais les félicitations à chaque conseil de classe. J'allais à la piscine même avec 40 de fièvre. Je faisais ce qu'on me demandait, rigoureusement, sans poser de questions. Aux yeux de l'éducation nationale, je devais être un bon petit soldat malléable. Mais à l'intérieur, j'étais paumée, tristoune et tétanisée par l'autorité (vachement libre quoi !). J'avais au moins autant besoin d'attention, d'encouragements et de soin que mes autres camarades expansifs.



Qu'est-ce qui faut faire ?

Il faut bruler des poubelles pour qu'on s’intéresse à nous ? Fumer dans les recoins de la salle B226 ? Dealer ? Balancer une encyclopédie sur la dame du CDI ? Écrire "M Bénéteau = pédé" au blanco sur une porte ? Voler des craies pour faire une marelle ?

De la bienveillance pour tous !

Je ne dis pas qu'il ne faut pas donner d'énergie à ces gamins révoltés hein, ils en ont besoin. Mais il ne faut pas négliger l'autre partie des élèves. On doit considérer chaque enfant, chaque ado, chaque personne (hein, finalement... !) dans son entièreté. Qu'ils soient dissipés ou bosseurs, casse-cous ou peureux, avenants ou réservés, fumeurs de joint ou buveurs de lait/grenadine, qu'ils aient 18 ou 4 de moyenne... Ils ont TOUS besoin, et surtout à cet âge là, d'être encouragés, écoutés, respectés... Y a que comme ça que naissent des citoyens positifs, créatifs, curieux ! A croire qu'on ne veut pas encourager les initiatives personnelles d'humains constructifs (ah on me dit dans l'oreillette que c'est exactement le projet : créer des résignés).


Sinon, arrivés à l'âge adulte : on veut devenir comédien

Dans l'unique but d' avoir ENFIN les regards et l'attention qu'on mérite... :P

(Je rigole)

Hahaha-haha-ha...ha... ah ? Hum...

(rire jaune)






LÂCHE

̶u̶n̶ ̶p̶e̶t̶

UN COM'

 

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